18 octobre 2011

Campagne publicitaire remarquée > > > [Je frenche mon vote]

Lors de la dernière campagne électorale ontarienne (2011), l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) s’est montrée innovatrice. En plus d’organiser un premier débat télévisé en français, elle a orchestré une campagne publicitaire pour inciter les Franco-Ontariens de 18 à 24 ans à voter.

Caricature de BadoLa campagne « Je frenche mon vote » a transcendé les frontières de l’Ontario. Les reporters politiques sérieux, tout comme les médias populistes, en ont fait mention. Les réactions se sont manifestées sous différentes formes, allant de l’analyse politique au sensationnalisme, en passant par la caricature et la chronique humoristique. La campagne s’est répandue telle une traînée de poudre dans les médias sociaux, en plus d’être diffusée à la télévision (TFO), à la radio et dans la presse écrite.

L’objectif stratégique était d’attirer l’attention des jeunes adultes franco-ontariens et de les sensibiliser à l’importance de voter entre autres « avec leur langue »; d’où le jeu de mots « Je frenche mon vote ». L’ampleur du partage viral en ligne et de la couverture médiatique fait état d’une circulation d’information sans précédent pour une campagne franco-ontarienne lors d’une élection. Au cours de cette opération, une augmentation de fréquentation de 150 % a été observée sur le site Internet de l’AFO. Ainsi, davantage de Franco-Ontariens ont pu se renseigner sur les plateformes électorales des différents partis.

À titre de réalisateur, j’ai eu le plaisir de mener le tournage des trois publicités qui mettaient en vedette mon collègue Olivier Nadon (du groupe d’humour franco-ontarien Improtéine) et Fabienne L’Abbé (ex-animatrice de l’émission pour ados Volt à TFO). Le mandat était clair : faire réagir, tout en passant un message. Pour l’AFO et son équipe, l’utilisation du mot « frenche » était incontournable. Controversé au sein de l’intelligentsia franco-ontarienne, le slogan a été un franc succès populaire.

De « frencher » son vote, c’est de choisir le parti politique ou le candidat qui embrasse le mieux les intérêts de la francophonie. Dans cette expression, il y a aussi un rafraîchissant clin d’œil qui, en exploitant un anglicisme, fait réfléchir sur notre réalité comme francophones en milieu minoritaire. Au sens premier, « Je frenche mon vote » est un jeu de mots, et au niveau de la métacommunication, comme plusieurs l’ont saisi, il s’agit d’un commentaire social sur l’état de notre francophonie. Horreur linguistique pour certains, initiative applaudie pour d’autres, cette approche a certainement le mérite d’avoir fait réfléchir bien des gens.


Voir Je frenche mon vote de KLASH MÉDIA sur Vimeo.

Dans la même optique, par exemple, le groupe hip-hop québécois Loco Locass fait l’emploi délibéré du franglais dans ses chansons, tout en étant reconnu pour la promotion du français et particulièrement pour son militantisme à l’égard de la souveraineté du Québec.

Pour les Franco-Ontariens, un de nos auteurs les plus décorés, Patrice Desbiens, a fait du franglais « éditorial » un véritable créneau. Cela lui a entre autres valu d’être finaliste pour le Prix du Gouverneur général en 1985. Notons que le volet francophone du Conseil des arts de l’Ontario finance à l’occasion des projets artistiques en théâtre, en chanson et en littérature qui font l’emploi du franglais en ce sens.

Pour les plus jeunes, que cela nous plaise ou non, ce métissage identitaire se vit dans leur réalité quotidienne. Il est important de les faire réfléchir à ce sujet dans une forme de communication qui leur est propre. On parle bien, ici, d’un type d’humour absurde qu’ils côtoient et qu’ils nourrissent chaque jour sur Youtube, Twitter et Facebook. Ce n’est certainement pas en les sermonnant à coup de dictionnaires et de formules dépassées (je vote en français! ou je vote franco!, par exemple) qu’on y arrivera. D’ailleurs, un sondage mené par le service d’animation culturelle d’une école secondaire à Orléans indique que la grande majorité des étudiants interrogés ont saisi la subtilité du slogan « Je frenche mon vote ». On observe les mêmes résultats positifs dans un reportage du journaliste William Burr qui interroge des universitaires, une professeure en linguistique et différents intervenants.

C’est sans grande surprise, toutefois, qu’au lendemain du scrutin nous avons appris que moins de la moitié des Ontariens se sont prévalus de leur droit de vote. Cette tendance s’accentue depuis des années. Pendant que les organismes et les médias s’en scandalisent, rares sont ceux qui osent proposer des solutions, ou encore qui posent des gestes concrets. Raison de plus pour multiplier les efforts originaux, hors normes et ciblés qui pourront contribuer à réveiller les masses dormantes! La campagne « Je frenche mon vote » en est un bon exemple.

À l’heure du mouvement « Occupy » qui suit celui du Printemps arabe, il va sans dire qu'une renaissance idéologique s’opèrent sur la façon de présenter la démocratie aux jeunes générations. Félicitations à l’AFO pour sa vision d’avant-garde et son engagement à l’égard de la francophonie.

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« L’initiative est applaudie »- Philippe Orfali, dans LeDroit (14 septembre 2011)

« Le 6 octobre, je frenche mon vote! Bravo l'AFO pour une campagne audacieuse pour inviter les jeunes à voter. »- Pierre Bergeron, éditorialiste (via Twitter le 14 septembre 2011)

« Audacieux j'aime! »- Martin Tremblay, Radio NRJ (via Twitter) le 15 septembre 

« L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario a lancé sa campagne publicitaire - Je frenche mon vote -  en vue de l’élection provinciale du 6.octobre. En tout cas, moi je vote pour Fabienne. »- Buffet complet (blogue collectif franco-ontarien)

« Votez avec votre langue en frenchant votre vote le 6 octobre prochain. »- Sylvio Boudreau, (blogue d'un Canadien errant, section belles initiatives)

« Y’a quand même un vent d’espoir qui souffle de l’Ouest les gars, pis c’est pas rien qu’une petite brise. Non, cet espoir-là, c’est le Franco-Ontarien. » (avec diffusion d’un extrait des publicités)- Le Sportnographe (Radio-Canada) émission du 7 octobre 2011

« L'Assemblée de la francophonie de l'Ontario a été beaucoup plus active, au cours de ces élections générales, qu'elle ne l'avait été en 2003. »- Philippe Orfali, dans LeDroit (14 septembre 2011)

« Le slogan “Je frenche mon vote ” est une horreur linguistique »- Pierre Allard, dans LeDroit, (éditorial du 16 septembre 2011 intitulé Franglais à la mode)